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L'allègement de la canne

La densité des fibres du tronc de bambou

Si l’on examine un tronc de bambou, on constate que plus on s’approche du centre du tronc, moins la densité des fibres est élevée et, par conséquent, la dureté du bambou.
On peut donc imaginer de n’enlever au bambou que ses fibres "faibles" en ne gardant que les plus "fortes".
En fait, je ne crois pas que cet argument soit la justification de l’opération.

Car où commencent les fibres "moins dures"? Lorsqu’il y a moins d’un millimètre d’épaisseur de brin (tête de scion), on est sûr d’avoir déjà taillé dans le "vif"; et 20 centimètres plus bas, là où commence le creusement on est sûr encore que celui-ci se fait dans la partie dure de la fibre.
Ce n’est d’ailleurs pas important, car ce qui reste est largement suffisant, et les cannes ainsi conçues ne sont pas plus fragiles que les autres. Elles sont seulement plus difficiles à coller.

L’argument le plus important en faveur du creusement des brins est celui de l’allègement. Et pourtant ce gain de poids n’est pas significatif en apparence:15-17 grammes pour un talon de 125 centimètres, 5 à 6 pour un scion de même longueur.

En réalité, la masse dont on allège un élément n’a d’importance que par rapport à l’endroit d’où on l’enlève, et ces 5-6 grammes du scion "pèsent" plus lourd que les 15 grammes du talon.

La justification de l’allégement

Le plus gros défaut du bambou, sa " tare originelle", c’est sa masse.
Trop lourd, trop lourd, c’est la clameur de la "vox populi" halieutique. Vox populi, mais non "vox dei" Car la masse d’une canne, c’est ce qu’elle pèse sur la balance.
Son poids, c’est ce qu’on ressent dans la main quand on s’en sert, et je connais bien des cannes en fibre qui sont à cet égard plus "lourdes", avec une masse moindre, que certaines refendues, peu nombreuses il est vrai.

Toutefois il n’y a pas que l’action d’une canne pour créer la sensation de poids ou de légèreté ; sa masse réelle n’y est pas étrangère non plus.
Mais dans cette masse, il y a aussi les anneaux (surtout l’anneau de tête quand la canne est active), les ligatures souvent trop longues, le vernis, la poignée, etc.
Quant à la virole pour les cannes en refendu, elle représente à elle seule entre le dixième et le huitième de la masse totale (cannes en refendu creux). On verra plus loin comment alléger au maximum ces accessoires d’habillage.

Mais l’élément de bambou peut l’être lui-même par creusement avant collage. L’idée n’en est pas neuve, et divers artisans, en particulier Winston aux USA, s’y sont déjà essayés.

En France, Pezon et Michel, avec J.-M. Dubos, ont conçu des prototypes creux. Toutes ces cannes creuses ont le même défaut: les contraintes de fabrication font que le creusement est réalisé d’un bout à l’autre de l’élément, retrouvant dans le bambou le plus abominable des défauts inhérents aux fibres creuses: l’ovalisation.
Même avec une section externe hexagonale qui freine le phénomène, celui-ci existe ayant comme corollaire une grande fragilisation de l’élément, et un amollissement de la canne. Et pourtant, l’allègement est très utile: il permet de gagner de 15 à 20 grammes sur une canne brute.

Alors que faire? Tout simplement ne pas creuser d’un bout à l’autre, mais réaliser des alvéoles courts.
C’est Daniel Brémond qui a eu cette idée vers 1978. L’avantage est double: allègement d’une part, et de l’autre une plus grande rigidité de l’élément final ; chacun sait bien qu’un tube, s’il ne s’ovalise pas, est plus rigide qu’une barre.

Le creusement des brins

Le procédé de creusement

creusement des brins de bambous

Les brins taillés sont disposés côte à côte, face de l’écorce en bas, sur des adhésifs (trois ou quatre) disposés en travers: ruban adhésif de carrossier par exemple.

Des plaquettes de bois recouvertes de mousse pour protéger le bambou sont disposées avec des serre-joints que l’on déplace au fur et à mesure du creusement et qui bloquent les brins de part et d’autre de l’endroit que l’on creuse.

 

 

 

creusement, croquis en alveoles

Comme on ne creuse pas à hauteur des noeuds, les distances entre ceux-ci sont divi­sées de telle façon qu’on ait de alvéoles de 5 à 6 centimètres, avec des points de contact de 2 millimètres à la base, où le bambou n’est pas entaillé.

Par exemple: trois alvéoles de 6 centimètres avec deux points de contact, entre deux noeuds distants de 18 centimètres.

Au niveau des noeuds, la partie non entaillée fait 1,5 à 2 centimètres à la base.

Il faut bien calculer l’emplacement de départ et de fin des parties alvéolées. Selon le mode d’assemblage (virole, sifflet ou tenon), on ménagera des parties pleines.

 

Brins creusés et positionnés pour le collage Elément creux ouvert

De même, je ne commence pas les alvéoles à moins de 5 centimètres de la sortie de la poignée, et ne creuse pas au niveau de celle-ci, ne serait-ce que parce que le bambou y est fréquemment remplacé par une fibre de verre ou de carbone.

Il est utile de disposer de chaque côté des brins des cales (plaques de métal) ayant l’épaisseur que l’on sou­haite laisser sur le brin. Cette épaisseur varie de 1,5 à moins de 1 millimètre, et s’arrête à environ 25 centimè­tres de la tête de scion, avec des alvéoles de plus en plus courts.

Pour la taille, j’utilise d’abord un tranchet de luthier (un tranchet de cordonnier fait l’affaire) pour enlever un copeau de bois, puis je termine à la lime ou au racloir.

Il faudra veiller à bien dégager la poudre de bambou et les esquilles de bois que le creusement peut avoir laissés entre les brins, afin que ces copeaux ne se retrou­vent pas au moment du collage. Les brins sont mainte­nant prêts à être encollés et assemblés.

 

 

 

ca mord...ca mord...va va finir par mordre...

 

 

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Canne refendu©2007 -